Par Gahston Saint-Fleur
Les français viennent
de nous donner plusieurs leçons en matière électorale lors du premier et du
second tour des élections régionales célébrées le 6 et le 13 décembre respectivement.
Peu importe la position de qui que ce soit par rapport à la conjoncture
actuelle en Haïti, l´application de cette leçon serait utile. Il ne faut pas
aller trop loin pour mettre en relief la première de ces leçons: écourter la
distance spatiale entre le premier et le second tour des élections. Ils
viennent de le faire dans 8 jours : le premier tour qu´a gagné le Front National
(FN) avec une majorité relative; et le dimanche en 8, le second tour remporté
par une alliance entre les deux principaux partis rivaux français. L´important de
cette dernière tranche électorale française c´est plus qu´une simple
réalisation des élections.
Il n´y a
aucun doute que le FN a bénéficié d´un vote émotionnel dans la tentative de
plus d´un en France comme pour donner une réponse à leur annus horribilis. Face à cette montée menaçante dans le premier
tour de ce parti xénophobe qui souhaite gouverner une France cosmopolite; les
deux principaux partis rivaux se sont mis d´accord pour faire inverser les
résultats. Devant une identité collective, une nation à sauver, un continent
qui attendait, le monde entier qui regardait avec intérêt, pas de projet
personnel qui dise mieux. Il fallait écouter le Premier Ministre français, le
franco-espagnol, Mr. Manuel Valls, invitant ses coreligionnaires de gauche à
voter la droite! En politique, surtout, on ne dit jamais fontaine je ne me désaltérerai
pas de ton eau. Dans un intervalle de 6 jours les deux adversaires se sont mis d´accord pour mettre en déroute un FN jugé
ennemi des principes et des valeurs de la France de De Gaulles; et ils y ont
parvenu –au moins en cette occasion. Le FN a perdu dans toutes les régions. Peu
importe sa croissance en votes d´un scrutin à un autre dans une semaine; l´objectif
est atteint et le message est passé: face à Marine Le Pen du FN dans le second
tour des prochaines présidentielles, François Hollande et Nicolas Sarkozy, pour
ne pas dire les Socialistes et l´UMP, pourraient faire cause commune.
Hollande et
Sarkozy, dit-on! Deux noms qui méritent une attention particulière. Le premier avait tranché le rêve
du second de se réélire au cours des présidentielles de 2012. Le second, lui ce
Sarkozy à la pure française, constitue l´une des principales menaces
(désormais, à côté
de Marine Le Pen) qui pèsent lourd sur le désir d´Hollande de rester à l´Elysée
au de-là de son quinquennat. Le lecteur pensera certainement aux désirs
cauchemardesques de Mirlande Manigat dans son obsession pour faire chuter Martelly
sur le fauteuil présidentiel pour qu´elle s´y mette per fas et nefas.
Le
raccourcissement de l´intervalle entre les deux tours d´élections contribuerait
à la tranquillité citoyenne, à libérer la circulation dans les grands centres
de concentration urbaine du pays et à amoindrir les dépenses. En plus, vis-à-vis
des récents déboursements énormes pour faire imprimer ailleurs des océans les
bulletins électoraux, l´on pourrait commencer à moderniser le CEP avec des équipements
technologiques actualisés qui minimiseraient les probabilités de fraude et
permettraient des résultats quasiment immédiats.
L´autre leçon
que l´on peut tirer de ces suffrages français c´est le caractère conditionnel de
l´adversité politique. Le désir de tout politicien ce n´est pas ce rêve banale
de gouverner mais plutôt d´assumer le leadership d´un nouveau projet pays
visant à rendre la quotidienneté moins lourde à l´ensemble des citoyens. Voilà
la raison d´être des élections, de par l´étymologie même du mot : choisir
(la meilleure?) entre plusieurs options. De là, s´opposer politiquement ne veut
pas dire en aucune façon d´aller à l´encontre de l´intérêt national mais bien
au contraire, de prévenir toutes possibilités de menaces contre ce bien sacré. Quand
celui-ci est menacé, point d´adversité politique au niveau national; la nation
entière est obligée de s´unir pour défendre ce par quoi elle existe et hors
duquel son existence est menacée. L´intérêt national, ce concept qui peine à exister
dans le lexique politique national!
En effet, ce
caractère conditionnel de l´adversité politique est loin d´être une
particularité exclusive des Français. On le trouve presque partout. Cependant,
chez-nous, à l´intérieur
des groupements et partis politiques, on fait des simples tendances une adversité
incurable, car il y a les projets personnels qui disputent la première place à
l´intérêt national. C´est ce que nous observons dans nombre de cas dans l’arène
politique haïtienne. Pensons le mouvement Lavalas, considéré non pas dans ses
différents courants reconvertis en attroupements politiques, mais dans son
ensemble en tant que parti haïtien de masse, mû par une idéologie de gauche. Malgré
ses calamités, il n´y a qu´un seul et unique groupe qui peut contre ce
mouvement: les lavalassiens eux-mêmes. Et voilà qu´ils finissent par aboutir.
Tenant compte
des résultats définitifs des récentes présidentielles après le BCEN, parmi les
6 premiers candidats, 4 seraient lavalassiens et se situent respectivement en
seconde, troisième, quatrième et sixième position. Les bulletins de votes au profit
de ces 4 candidats totalisent une différence de plus de 200 000 votes sur le
candidat de la présidence; toutes fois que le parti aurait parvenu à une
entente entre eux pour qu´un seul participe aux élections avec le support des
autres.
Dans la
conjoncture actuelle, si les 7 autres membres de cet amalgame de candidats
surnommé G8, aurait choisi de s´aligner au côté de Jude Celestin, il ne faudrait
pas de CEP pour donner des résultats que l´on saurait déjà. Le problème de ce
groupe est notre problème de toujours: aucun des 8 ne voudrait s´aligner
derrière Jude mais chacun voudrait arriver en seconde sinon en première place
pour être suivi par le reste du groupe. Pour paraphraser un proverbe andalou,
ils préfèrent être tête de rat au lieu de queue de lion, et ce, de la pire
façon. La chose la plus simple devient le principal obstacle: se mettre
d´accord; qu´importe l´utilisation de la première personne du pluriel pour se
référer à ces 8 hommes, loin de s´unir, quand ils se réunissent.
En France,
les deux grands partis rivaux se sont accordés sur ce qu´ils ne veulent pas et
ils ont choisi la voie pour l´éviter. En effet, si le G8 haïtien voulait
combattre le gouvernement actuel et son dauphin, il n´aurait qu’à appliquer la
leçon de ces élections françaises. Ailleurs de de la France, certainement l´alliance
mulâtre-noire qui avait conduit au 1804 pourrait dire quelque chose;
disposerait-on à l´entendre, plus de deux siècles plus tard? Les membres du
groupe devraient savoir que leur désaccord ne sert qu´au profit de Jovenel au
tant que la prolifération de candidats Lavalas aux présidentielles de 2010
l´avait fait pour Michel Martelly. Avec les dilatoires, ils finissent par
réduire sans le vouloir leurs horizons de victoire et donnent l´impression
qu´ils ne font que discuter la meilleure ou la pire façon de perdre le second
tour des présidentielles.
En effet,
pendant que d´un côté on lutte pour le pouvoir et ce, seulement et uniquement
pour le pouvoir, de l´autre côté il y a des enfants qui prennent la rue, des
jeunes qui tombent dans la délinquance par manque d´options viables, des chefs
de foyers monoparentaux qui essaient d´inventer la vie même au minimum; et
parmi ces deux extrêmes, y aurait-il un troisième qui profite?