lundi 21 décembre 2015

Leçons de France pour le G8 haïtien



                                                                                                                   Par Gahston Saint-Fleur   
Les français viennent de nous donner plusieurs leçons en matière électorale lors du premier et du second tour des élections régionales célébrées le 6 et le 13 décembre respectivement. Peu importe la position de qui que ce soit par rapport à la conjoncture actuelle en Haïti, l´application de cette leçon serait utile. Il ne faut pas aller trop loin pour mettre en relief la première de ces leçons: écourter la distance spatiale entre le premier et le second tour des élections. Ils viennent de le faire dans 8 jours : le premier tour qu´a gagné le Front National (FN) avec une majorité relative; et le dimanche en 8, le second tour remporté par une alliance entre les deux principaux partis rivaux français. L´important de cette dernière tranche électorale française c´est plus qu´une simple réalisation des élections.
Il n´y a aucun doute que le FN a bénéficié d´un vote émotionnel dans la tentative de plus d´un en France comme pour donner une réponse à leur annus horribilis. Face à cette montée menaçante dans le premier tour de ce parti xénophobe qui souhaite gouverner une France cosmopolite; les deux principaux partis rivaux se sont mis d´accord pour faire inverser les résultats. Devant une identité collective, une nation à sauver, un continent qui attendait, le monde entier qui regardait avec intérêt, pas de projet personnel qui dise mieux. Il fallait écouter le Premier Ministre français, le franco-espagnol, Mr. Manuel Valls, invitant ses coreligionnaires de gauche à voter la droite! En politique, surtout, on ne dit jamais fontaine je ne me désaltérerai pas de ton eau. Dans un intervalle de 6 jours les deux adversaires se sont  mis d´accord pour mettre en déroute un FN jugé ennemi des principes et des valeurs de la France de De Gaulles; et ils y ont parvenu –au moins en cette occasion. Le FN a perdu dans toutes les régions. Peu importe sa croissance en votes d´un scrutin à un autre dans une semaine; l´objectif est atteint et le message est passé: face à Marine Le Pen du FN dans le second tour des prochaines présidentielles, François Hollande et Nicolas Sarkozy, pour ne pas dire les Socialistes et l´UMP, pourraient faire cause commune.
Hollande et Sarkozy, dit-on! Deux noms qui méritent une attention particulière. Le premier avait tranché le rêve du second de se réélire au cours des présidentielles de 2012. Le second, lui ce Sarkozy à la pure française, constitue l´une des principales menaces (désormais, à côté de Marine Le Pen) qui pèsent lourd sur le désir d´Hollande de rester à l´Elysée au de-là de son quinquennat. Le lecteur pensera certainement aux désirs cauchemardesques de Mirlande Manigat dans son obsession pour faire chuter Martelly sur le fauteuil présidentiel pour qu´elle s´y mette per fas et nefas.
Le raccourcissement de l´intervalle entre les deux tours d´élections contribuerait à la tranquillité citoyenne, à libérer la circulation dans les grands centres de concentration urbaine du pays et à amoindrir les dépenses. En plus, vis-à-vis des récents déboursements énormes pour faire imprimer ailleurs des océans les bulletins électoraux, l´on pourrait commencer à moderniser le CEP avec des équipements technologiques actualisés qui minimiseraient les probabilités de fraude et permettraient des résultats quasiment immédiats.
L´autre leçon que l´on peut tirer de ces suffrages français c´est le caractère conditionnel de l´adversité politique. Le désir de tout politicien ce n´est pas ce rêve banale de gouverner mais plutôt d´assumer le leadership d´un nouveau projet pays visant à rendre la quotidienneté moins lourde à l´ensemble des citoyens. Voilà la raison d´être des élections, de par l´étymologie même du mot : choisir (la meilleure?) entre plusieurs options. De là, s´opposer politiquement ne veut pas dire en aucune façon d´aller à l´encontre de l´intérêt national mais bien au contraire, de prévenir toutes possibilités de menaces contre ce bien sacré. Quand celui-ci est menacé, point d´adversité politique au niveau national; la nation entière est obligée de s´unir pour défendre ce par quoi elle existe et hors duquel son existence est menacée. L´intérêt national, ce concept qui peine à exister dans le lexique politique national!
En effet, ce caractère conditionnel de l´adversité politique est loin d´être une particularité exclusive des Français. On le trouve presque partout. Cependant, chez-nous, à l´intérieur des groupements et partis politiques, on fait des simples tendances une adversité incurable, car il y a les projets personnels qui disputent la première place à l´intérêt national. C´est ce que nous observons dans nombre de cas dans l’arène politique haïtienne. Pensons le mouvement Lavalas, considéré non pas dans ses différents courants reconvertis en attroupements politiques, mais dans son ensemble en tant que parti haïtien de masse, mû par une idéologie de gauche. Malgré ses calamités, il n´y a qu´un seul et unique groupe qui peut contre ce mouvement: les lavalassiens eux-mêmes. Et voilà qu´ils finissent par aboutir.
Tenant compte des résultats définitifs des récentes présidentielles après le BCEN, parmi les 6 premiers candidats, 4 seraient lavalassiens et se situent respectivement en seconde, troisième, quatrième et sixième position. Les bulletins de votes au profit de ces 4 candidats totalisent une différence de plus de 200 000 votes sur le candidat de la présidence; toutes fois que le parti aurait parvenu à une entente entre eux pour qu´un seul participe aux élections avec le support des autres.
Dans la conjoncture actuelle, si les 7 autres membres de cet amalgame de candidats surnommé G8, aurait choisi de s´aligner au côté de Jude Celestin, il ne faudrait pas de CEP pour donner des résultats que l´on saurait déjà. Le problème de ce groupe est notre problème de toujours: aucun des 8 ne voudrait s´aligner derrière Jude mais chacun voudrait arriver en seconde sinon en première place pour être suivi par le reste du groupe. Pour paraphraser un proverbe andalou, ils préfèrent être tête de rat au lieu de queue de lion, et ce, de la pire façon. La chose la plus simple devient le principal obstacle: se mettre d´accord; qu´importe l´utilisation de la première personne du pluriel pour se référer à ces 8 hommes, loin de s´unir, quand ils se réunissent.
En France, les deux grands partis rivaux se sont accordés sur ce qu´ils ne veulent pas et ils ont choisi la voie pour l´éviter. En effet, si le G8 haïtien voulait combattre le gouvernement actuel et son dauphin, il n´aurait qu’à appliquer la leçon de ces élections françaises. Ailleurs de de la France, certainement l´alliance mulâtre-noire qui avait conduit au 1804 pourrait dire quelque chose; disposerait-on à l´entendre, plus de deux siècles plus tard? Les membres du groupe devraient savoir que leur désaccord ne sert qu´au profit de Jovenel au tant que la prolifération de candidats Lavalas aux présidentielles de 2010 l´avait fait pour Michel Martelly. Avec les dilatoires, ils finissent par réduire sans le vouloir leurs horizons de victoire et donnent l´impression qu´ils ne font que discuter la meilleure ou la pire façon de perdre le second tour des présidentielles.
En effet, pendant que d´un côté on lutte pour le pouvoir et ce, seulement et uniquement pour le pouvoir, de l´autre côté il y a des enfants qui prennent la rue, des jeunes qui tombent dans la délinquance par manque d´options viables, des chefs de foyers monoparentaux qui essaient d´inventer la vie même au minimum; et parmi ces deux extrêmes, y aurait-il un troisième qui profite?